Par une décision (1) rendue ce lundi 3 octobre, le Conseil d'Etat renvoie à la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) quatre questions relatives à la réglementation des organismes génétiquement modifiés (OGM).
La question principale est celle de savoir si les organismes obtenus par mutagénèse constituent des OGM régis par la directive du 12 mars 2001 relative à la dissémination volontaire d'OGM dans l'environnement. Ou si, au contraire, ils sont exemptés des mesures de précaution, d'évaluation des incidences et de traçabilité prévues par cette directive.
S'ils ne relèvent effectivement pas de cette directive, demande également la juridiction administrative, les Etats peuvent-ils néanmoins soumettre ces organismes aux obligations que prévoit ce texte ou à d'autres obligations ? Et si cette directive les exempte des mesures de précaution applicables aux OGM, ce texte ne peut-il pas être remis en cause au regard du principe de précaution garanti par le droit de l'UE ?
"Les variétés obtenues par mutagénèse constituent-elles des « variétés génétiquement modifiées » soumises aux règles posées par la directive du 13 juin 2002" relative au catalogue commun des variétés des espèces de plantes agricoles ?, interroge enfin la Haute juridiction administrative.
Un moratoire demandé
Le Conseil d'Etat est tenu maintenant d'attendre les réponses de la CJUE avant de statuer sur les requêtes des organisations qui demandent l'abrogation de l'article D. 531-2 du code de l'environnement (2) . Cet article exclut les variétés obtenues par mutagénèse du champ d'application de la réglementation sur les OGM.
La Confédération paysanne et huit associations, dont le Réseau Semences paysannes, Les amis de la Terre et la fédération Nature et Progrès, contestent la légalité de cet article et réclament un moratoire sur la culture de ces "OGM cachés". Un moratoire que les députés français avaient refusé de voter dans la loi sur la biodiversité, alors que le rapport que doit remettre l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) sur cette question reste toujours attendu.
"Ces nouvelles variétés rendues tolérantes aux herbicides, les VrTH, issues d'une biotechnologie - la mutagenèse in vitro - diffusent des gènes de tolérances à ces herbicides dans de nombreuses plantes sauvages apparentées (tournesols sauvages, ravenelles...)", expliquaient plusieurs organisations paysannes et citoyennes réunies dans un collectif dénommé "Appel de Poitiers". "Ces contaminations entraînent rapidement une augmentation exponentielle des doses et de la toxicité des molécules d'herbicides épandues qui se retrouvent dans l'eau, dans l'air, dans l'alimentation et détruisent la vie des sols agricoles", expliquaient-elles.